Chère Madame Santé et Sécurité,
Je vous écris aujourd’hui parce que je ne sais pas vraiment à qui m’adresser; je ne veux pas embêter mes collègues, mais ça ne va pas bien du tout. En fait, je commence à me demander ce que je fais ici…
Je sais que vous avez mentionné le PAEE* dans votre dernière chronique, mais je ne suis pas du tout déprimée ni suicidaire, je m’interroge sur le sens de la vie!
Et je suis triste, ma belle-sœur préférée vient de mourir. Elle était le bout-en-train de la famille, celle qui organisait les fêtes et les sorties, qui avait des idées rigolotes, et qui mettait de la vie dans notre vie. Celle qui avait le don de nous écouter quand ça ne tournait pas aussi rond qu’on aurait voulu et qui avait le tour de nous accrocher un sourire au visage avec sa belle énergie. C’était mon amie.
Et je suis fâchée car je ne reverrai plus ses yeux intelligents et taquins qui avaient vu neiger et pleuvoir toutes sortes de flocons. Je n’entendrai plus sa voix chaleureuse et pleine de douceur. Je ne sentirai plus sa main sur mon épaule lorsque j’avais le cœur tout craquelé de chagrin.
C’est maintenant que j’aurais besoin d’elle, pour me consoler de son départ, pour sécher mes yeux humides faisant écho aux sanglots de son compagnon de vie et aux larmes de ses grands enfants. C’est toute sa tribu qui maintenant se sent orpheline devant la place vide.
Et je ne comprends pas pourquoi les gentils partent avant les méchants, qui a décidé ça?
Et je suis insultée quand j’entends des gens raconter que maintenant elle est heureuse au ciel et qu’elle regarde la terre de là-haut en jouant de la musique sur une harpe mélodieuse!
Comment peut-on observer toutes les guerres et les misères de la planète en gardant le sourire?
J’aime mieux penser qu’elle s’est endormie d’un sommeil profond, paisible et sans souffrance.
Heureusement qu’il me reste quelques photos et surtout plein de beaux souvenirs pour bien me rappeler ce qu’elle m’a enseigné : toujours profiter du moment présent avec ceux que j’aime.
Signé : Pensive
*PAEE : Programme d’aide aux employés et aux étudiants de l’INRS (1-800-361-2433)
Chère Pensive,
Je suis vraiment désolée de ce qui vous arrive et vous avez bien fait de m’écrire, car ce courrier du cœur est l’endroit parfait pour les confidences.
C’est important de s’ouvrir et je suis presque certaine que vous pourriez le faire aussi avec un collègue en qui vous avez confiance et/ou votre chef de service, car parfois lorsqu’on vit une situation difficile notre comportement change, on est plus distrait ou irritable et vous pourriez peut-être compter sur plus de compréhension et de tolérance de votre entourage.
D’ailleurs à ce sujet, un document très intéressant a été produit par l’IRSST (Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail) concernant la relation entre le bien-être psychologique de l’individu et la SST, voici le lien : http://www.irsst.qc.ca/-publication-irsst-donner-un-sens-au-travail-promouvoir-le-bien-etre-psychologique-r-624.html
Je suis bien sûr peinée pour vous, mais en même temps rassurée car à la lecture de votre lettre, on sent bien que vous êtes en lien avec vos émotions et que vous avez déjà amorcé une démarche de guérison. En consultant les travaux de la renommée Elisabeth Kübler-Ross, vous pourrez remarquer que les différentes étapes du deuil ne se suivent pas nécessairement en ordre mais se chevauchent parfois et s’entremêlent, laissant l’individu bouleversé par tant d’émotions fortes contradictoires. Ces étapes, d’abord au nombre de cinq, se sont enrichies et précisées à huit, en voici la liste : le choc, le déni, la colère, le marchandage, la tristesse, la résignation, l’acceptation et la reconstruction.
C’est un long chemin à parcourir mais parfois le fait de mettre par écrit ce qu’on ressent nous aide à y voir plus clair, sans toutefois faire cesser la souffrance. Aussi, le fait de se confier peut mettre un baume sur nos blessures et souvent en accélérer la guérison.
L’être humain est une créature sociale et c’est en se côtoyant les uns les autres que nos caractères comme des rochers de diverses natures aux aspérités plus ou moins prononcées, s’adoucissent lorsque portés par la rivière dans les tourbillons de la vie.
Chaque personne que l’on rencontre a une influence sur notre destin, mais par la force des choses nous en avons aussi une sur les autres. Toutefois c’est notre attitude qui importe le plus, de quelle manière nous interprétons l’aventure qui nous arrive, qu’en retirons-nous?
Pour trouver un sens à sa vie, nul besoin d’atteindre le sommet du Kilimandjaro, d’être PDG d’une multinationale, de recevoir le prix Goncourt ou de chanter pour des milliers de fans. En effet, construire un château dans la neige ou le sable avec des petits enfants vaut peut-être autant qu’une conversation avec les grands de ce monde.
Tout dépend de notre ouverture à l’autre, de notre faculté à reconnaître son unicité et à l’amener, pour un instant, à entrer dans la danse avec nous. C’est ici, je crois que se situe la grande richesse de cette personne si importante dans votre vie : sa qualité d’écoute et sa joie de vivre bien ancrée dans le moment présent qui entraînait les autres à sa suite.
La peine des adieux ne se tolère qu’en se tournant doucement vers l’espoir de créer à son tour chez l’autre la joie que procure la vue d’une délicate fleur printanière après un long hiver.
Fidèle à mon habitude, je vous recommande la lecture de quelques bouquins qui m’ont beaucoup apporté à différents niveaux. Il s’agit tout d’abord de « La tragédie des siècles » écrite par Ellen Gould White il y a plus de cent ans mais toujours autant d’actualité. Les deux suivants font partie de mes livres préférés : « Ru » de Kim Thύy et « Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates » de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows. Enfin, ma dernière suggestion est un enregistrement sonore de six disques disponible dans les bonnes bibliothèques et d’où j’ai tiré quelques excellents conseils : « Une année pour mieux vivre » de Nicole Bordeleau.
J’ai le goût d’ajouter aussi ces trois ouvrages québécois, dédiés à ce thème important et écrits par quelqu’un que j’aime beaucoup, une dame au cœur d’or qui me rappelle cette belle-sœur que vous aimiez tant. Il s’agit de : « Le deuil : une blessure relationnelle », « Le deuil : accepter, laisser partir et choisir la vie » ainsi que « Le deuil : renaître et créer sa vie » tous tirés de la plume de Louise Racine.
En vous souhaitant bon courage,