S’il est vrai qu’il est utile de savoir donner les premiers soins en région éloignée, il est aussi vrai que rien ne remplace un bon jugement. Si j’avais à énoncer en quelques lignes, la feuille de route qui devrait être imprimé dans nos pensées, j’aurais de l’encre pour les points suivants :
L’ambiguïté de la communication est la mère de toutes les inquiétudes
En région éloignée, on peut créer de l’insécurité simplement en informant mal les gens qui pourraient alors s’inquiéter de nous. L’anecdote suivante parle d’elle-même :
Une équipe est partie d’un camp de terrain en direction d’un camp de base au Spitzberg (archipel de Svalbard, océan Arctique). Le voyage prend deux jours en bateau pneumatique Zodiac. L’équipe restante au camp de terrain est avisée du départ, mais celle du camp de base n’est pas informée du moment prévu de l’arrivée. Entre les deux, les quatre voyageurs chavirent en zone côtière, perdent tout leur matériel, incluant les armes à feu. Une semaine plus tard, la conjointe d’un des participants ne le voyant pas revenir à la maison, téléphone au camp de base. Résultat : Les quatre chercheurs ont passé cinq jours trempés, sans nourriture, abrités sous leur Zodiac retourné sur la plage en guise d’habitation de fortune avec en prime trois ours polaires leur rôdant autour pendant trois longues journées!
Des anecdotes comme celle-ci, les chercheurs en région éloignée en ont beaucoup. Un plan de route aurait permis d’éviter une bonne partie de cette mésaventure.
Un plan d’urgence, pourquoi pas?
Un bon plan d’urgence comprend : l’inscription des participants, leurs coordonnées, celles de leurs proches, les dates de leur séjour, la méthode de communication, les plans de déplacements, la liste du matériel de sécurité et de survie dont ils disposent, les équipements de communication qu’ils auront, etc. Les participants et les répondants doivent avoir ce plan entre les mains.
Prévoir le matériel de sécurité
M. Négligent partira avec une trousse de premiers soins vieille de cinq ans, un téléphone satellitaire déchargé, un GPS sans piles, aucune carte papier, aucune pièce d’identité, pas d’allumettes, pas de nourriture autre qu’un sandwich jambon-oeufs-mayonnaise sans ice pack, pas d’imperméable, pas d’insectifuge, pas de couteau, et il sera évidemment tout seul. On peut alors facilement imaginer une histoire peu reluisante. Après avoir dévoré son sandwich, la pluie arrive. Complètement trempé, près de l’hypothermie, M. Négligent trépasse au pied d’une colline. L’autopsie de son squelette retrouvé deux ans plus tard révèle qu’il est mort d’un empoisonnement alimentaire. Morale de l’histoire : le sandwich périssable n’est pas la collation idéale. Et en accompagnement, avoir le matériel de sécurité adéquat n’aurait peut-être pas évité dans ce cas précis cette triste fin, mais dans plusieurs autres situations ça aurait certainement permis d’éviter le pire.
L’économie de moyens n’est jamais la solution
On peut faciliter l’allumage d’un feu avec des bouts de chandelles, mais on ne peut espérer un maximum de résultats sans un minimum de confort. On peut effectivement travailler en conditions minimales, mais il y a tout de même des limites à ne pas franchir. Il est essentiel de bien se nourrir, de se garder au sec, de bien dormir, d’avoir des conditions d’hygiène exemplaires, et bien sûr des plans clairs. Faire l’économie de ces petites choses fondamentales indispose les participants à une mission. Si on n’a pas les moyens de travailler en région éloignée, autant ne pas y aller.
Prévoir au moins une personne d’expérience dans l’équipe
En effet, cette personne d’expérience saura non seulement quoi faire en cas de difficulté, mais elle jouera le rôle de mentor auprès des autres. On décèle ces fins renards par l’économie qu’ils font de leur chocolat grand cru les premiers jours de la mission. Ils le gardent pour négocier des faveurs auprès des autres participants durant les derniers jours, quand le sac de biscuits montrera son fond.
Directeur du centre Eau Terre Environnement
